Bêêêêh !
La politique repose sur un(e) geste économique. Le système est critiquable uniquement si l'on agit. En l'occurrence, l'action dans un environnement d'exploitation généralisée, c'est refuser de participer à la pérennisation du tout, en sa qualité d'individu.
Le travail est-il encore une valeur socialisante ? La structure et la fonction de cet acte ont-elles toujours un sens ? La sémiologie même du concept a-t-elle subi des réifications ?
Aujourd'hui plus qu'hier, ne pas travailler est lourd de sens et synonyme d'exclusion : stigmatisation, rejet, rupture des liens affectifs et sociaux, perte du droit d'expression et de l'identité sociale. Le travail se définit désormais par l'obligation contractuelle entre un système économique tout puissant, érigé en dieu et maître, et l'individu qu'il condamne, tel Sisyphe, à pousser une pierre dans un cadre d'aliénation et de frustration : le travail a perdu son sens, tout comme l'individu dans sa recherche de sens au travers du travail, qui n'est plus aujourd'hui qu'une "coquille vide", dont on parle sans savoir que ce dont on parle n'existe plus que comme un souvenir du temps passé.
Si la théorie de Berger et Luckmann nous invitent à poser un regard rétrospectif sur toute chose, comme si elle n'était qu'une construction sociale de la réalité, c'est bien parce que la société repose sur la participation de tous à un même élan de pensée. Si demain, par exemple, nous décidons tous, comme un seul homme, de nous déplacer à reculons, alors la structure de la société devra s'adapter à ce nouveau mode de locomotion, à un art de vivre différent, à une éthique visible dans nos actions. Ce sont nos gestes quotidiens qui déterminent l'équilibre social et économique du monde dans lequel nous vivons et surtout, tel que nous le vivons. Sans l'individu et sa soumission généralisée au mode global d'agir et de penser, cette illusion qui nous paraît réelle disparaîtrait, pour instantanément être remplacée par une autre, tout aussi complète mais plus structurante, parce que voulue plutôt que subie.
Ne pas travailler, aujourd'hui, c'est le geste politique ultime, qui seul peut rompre la spirale délétère d'un monde tout économique, reposant sur l'asservissement de tous à une absence lénifiante de pensée.